À celle qui s’en va : hommage à la vie qui nous est donnée

À toi Chère sœur qui t’en va,

À toi qui as répondu à l’appel de ton créateur,

Un appel qui dès lors qu’il retentit, s’impose à nous,

Il est impossible de ne pas y répondre.

Nos chemins se sont croisés, il y a environ 25 ans.

Je t’ai connue comme une mère aimante, une épouse assumée et dévouée, une aînée inflexible, une travailleuse acharnée.

D’abord une mère aimante.

Nous nous sommes connues, tu avais ton fils ainé, premier-né dans les bras. Puis progressivement, les autres sont arrivés, le deuxième, la troisième, et enfin, un peu plus tard, la petite dernière. L’on peut apprécier, j’ai noté ton souci pour tes enfants, d’abord depuis leur très tendre enfance, lorsqu’il te fallait jongler entre tes premières affectations, notamment à l’arrière du pays et eux. Tu y allais, il fallait être professionnelle, mais tu revenais aussitôt sur la capitale, pour leur suivi.

Quel écartèlement entre vie professionnelle et vie privée ?  Nous voulons être des mères, nous sommes aussi des professionnelles. Comment bâtir des carrières réussies en tenant compte de notre condition de femme ? Tu as essayé. La vie t’a donné des recettes pour t’en sortir.

Quand, tu as eu un peu plus de stabilité avec ton affectation à la capitale, tu étais un peu plus apaisée, présente et posée. Tu as travaillé à t’y établir.

À la force de tes bras, avec patience et intelligence, et avant que tes enfants entrent en adolescence, ton époux et toi, vous êtes battus pour leur donner un toit. Et même si ça n’a pas été du tout facile, ils ont eu un toit. Un lieu qu’ils peuvent appeler le chez-eux et qui concentre et fixe les souvenirs d’une vie. Un lieu dans lequel est inscrit l’esprit de ton passage sur terre, la marque de ta présence.

Vous vous êtes installés. Puis progressivement, ta santé a commencé à décliner. Suivant nos discussions, tu as d’abord pensé aux effets du déménagement. Au fur et à mesure que la situation s’aggravait, tu n’as toujours pas eu l’accompagnement nécessaire. La compréhension a été mitigée dans ton milieu professionnel. Triste pour nous qui ne sommes que des pions interchangeables sur l’échiquier de nos entreprises. Quel dommage ! L’être humain, peut être adulé et applaudi lorsqu’il est en pleine possession de ses moyens, mais rapidement relégué aux oubliettes dès que ses forces le lâchent, parfois sans accompagnement et parfois, dans l’indifférence totale de sa communauté professionnelle. Peut-être un concurrent en moins ! Le malheur des uns parait-il fait le bonheur des autres. Soit.

Ceci t’a profondément heurtée et contribué pour une bonne part, à accentuer ton mal-être. Tu comptais les amis qui prenaient de leur temps pour te rendre visite, les échos de ceux qui se réjouissaient de ton malheur parvenaient jusqu’à toi.

Comment me disais-tu ? Comment je suis incomprise par certains responsables de mon entreprise ? Quelle dureté d’âme ?

Puis ton dossier d’évacuation sanitaire qui n’a pas abouti. La raison ? Un visa refusé. Tu as voulu essayer les soins dont on dit que la qualité est meilleure sous d’autres cieux. La réponse, une case cochée sur un formulaire. Elle explicitait les motifs de refus. L’on pouvait y lire. Ne justifie pas suffisamment des raisons de sa présence sur le territoire et de la volonté de retourner dans son pays. Qui sont-ils pour donner une telle appréciation. Tu avais pourtant fourni les divers éléments de preuve. Un dossier médical complet qui attestait que la médecine d’ici avait fait ses preuves et qu’il fallait tenter autre chose. Tu as été prise dans le tourbillon des préjugés qui peuplent les esprits des hommes dans différentes ambassades. Les manœuvres des uns ont certainement travaillé à ternir ton dossier qui était un vrai dossier. Hélas ! Curieux monde où certains, en fonction de leurs origines, sont enfermées dans des ghettos tandis que les autres circulent et ont le monde à leur portée.

C’est dans ton état déclinant que tes enfants ont passé leur adolescence et, pour certains ont abordé leur âge adulte. Ton souci pour tes enfants t’a amenée à anticiper et à trouver pour certains d’entre eux, un système alternatif de prise en charge. Tu savais certainement que tu n’y arriverais pas. Ce sens de l’anticipation permet aujourd’hui aux filles de bénéficier d’un accompagnement maternel de substitution.

Ma grande douleur pour toi, c’est que la vie ne t’ait pas laissé apprécier les fruits, au moins les prémisses de ton travail. Tu décèdes au moment où ton fils ainé est sur le chemin de l’intégration professionnelle. Assurément, il y en a qui sèment et d’autres qui moissonnent.

Tu as été une épouse dévouée et aimante.

J’ai toujours admiré ton insertion au sein de ta belle famille. Tu y assumais une responsabilité centrale. Tu étais la première des belles filles, pour la génération des petits-fils. Tu as pris cette responsabilité très au sérieux, avec des initiatives de rassemblement. Même si sur ce point, je dois confesser notre différence d’approche, je me dois de noter ton dévouement. C’est seulement ta santé déclinante qui n’a plus permis un investissement total de ta personne.

Tu as été une aînée inflexible,

pour tes propres cadets et pour ceux de ton époux. Tu as su leur inculquer les valeurs de travail et surtout de discipline auxquelles tu étais particulièrement attachée. Résultats, entre tes mains sont passées des personnes qui sont aujourd’hui plus gradées que toi, professeur d’université et autant gradées que toi, professeurs de lycée. Autant, tu as été inflexible, car tu tenais à ce que chacun d’eux trouve sa voie, autant tu as été maternelle et attachante. Tous savaient pouvoir trouver une femme au cœur de mère lorsqu’ils étaient frappés par les coups de la vie. Tu as ainsi accueilli dans ta maison les fruits des amours parfois mal engagés de certains. Mais, une mère oublie-t-elle ses enfants ? Après les réprimandes, l’encadrement.

Ta maladie a été longue et difficile. Les différentes énergies se sont mobilisées tant dans ta famille propre que dans ta belle famille pour essayer de porter cette charge que la nature imposait. Je dois de ce fait une fière chandelle à tes frères et sœurs qui ont su t’entourer de leur bienveillante attention et affection tout au long de ce chemin, t’ouvrant les bras et te soulageant d’une partie de ta charge. Si seulement cette charge pouvait être partagée, plusieurs l’auraient partagée. Mais puisque le destin est étrangement individuel, ils t’ont aidée comme ils ont pu, avec leur cœur et leur affection, avec leurs moyens, matériels et financiers aussi.

Ma sœur, tu as été également une professionnelle accomplie.

Je me souviens, à l’occasion de la célébration de ton cinquantième anniversaire, tu étais dans l’action de grâce. Tu rendais grâce au seigneur de t’avoir accompagnée jusqu’à ce point. Tu avais la pleine conscience de la finitude de la vie et du fait que tes jours à toi étaient comptés. Tu m’avais montré ton bulletin de salaire où tes avancements avaient été pris en compte.

Tu as aimé ton métier d’enseignante. Le contact avec tes élèves était l’une de tes raisons d’être. Forger des esprits, les mouler était ta passion. Je sais qu’ils sont nombreux à témoigner de l’enseignante rigoureuse que tu as été jusqu’à ce que la maladie te contraigne à te retirer des salles de classe. Le témoignage de l’une de tes élèves, devant ton cercueil posé en pleine cour de l’établissement au sein duquel tu as servi, était particulièrement réconfortant.

Pour continuer d’exercer le métier que tu as pratiqué, tu as acquis de l’espace en conséquence. Sans trahir un secret, tu projetais d’y implanter plus tard une école, comme un hommage à la profession que tu avais choisie. Hélas, la vie ne t’a pas laissé le temps de réaliser ce projet. Mais bref, tu y as pensé.

https://bit.ly/3w6qyIP

Ma sœur,

Que te dire ?

À l’échelle l’univers, nous ne sommes que des points que le temps se charge d’effacer, à un moment où à un autre, quelle que soit notre force. La conscience de notre finitude peut être aiguë ou latente.

Aiguë, elle a été pour toi, avec l’urgence imposée par la maladie qui te handicapait progressivement. Tu t’es battue comme une lionne. Tu pars les armes à la main.

Latente, elle est en chacun de nous,

Même si le vacarme des occupations quotidiennes couvre cette conscience,

Elle est là, imperturbable.

Adieu,

Ce n’est qu’un au revoir.

La certitude ? Nous nous retrouverons.

Cela me rappelle l’épitaphe que l’on trouve dans tous les cimetières.

Hier, nous étions comme vous, demain, vous serez comme nous.

                                                                                                                             Ta sœur.

Question :

Quel est le plus bel hommage que vous pouvez rendre à une femme qui s’en va ?

Quels conseils pouvez-vous donner aux femmes pour mieux vivre leur vie ?

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