MGF

Explorons les enjeux complexes des mutilations génitales féminines en Afrique et l’importance de donner la parole aux communautés concernées. Engagez-vous dans le débat pour un avenir sans pratiques préjudiciables.


Arrêtez vos discours d’occidentaux

Tel est le message subliminal de la discussion que j’ai récemment eue avec une amie.

Je reviens en effet d’un pays de l’Afrique de l’Ouest.

J’y ai été accueillie très chaleureusement par cette amie, très engagée en faveur du développement de l’Afrique.

Au cours de nos innombrables discussions, nous avons abordé la question des mutilations génitales féminines. Là, elle m’a parlé, avec ses tripes, avec toute sa sensibilité, avec toute son énergie.

Son discours tendait à déconstruire l’argumentaire des tenants de l’interdiction.

D’abord, la mutilation porte atteinte à l’intégrité physique de la femme. De quelle intégrité me parlez-vous ? Ne voyez-vous pas également que l’on circoncit aussi nos garçons ? Non, au lieu de mutilations, il faut parler de propreté.

Ensuite, les mutilations visent à contrôler la sexualité des femmes. Quel contrôle ? Ne me faites pas rire. Vous dites que la mutilation diminue le plaisir sexuel des femmes. Laisse-moi te dire, le plaisir est dans la tête. Je te parle en connaissance de cause. Je suis passée par là. Mon plaisir à moi n’est en rien diminué, au contraire. L’excision fait partie de nos valeurs, de notre éducation, vois-tu ?

Vous dites qu’elle expose les femmes à des dangers pendant l’accouchement. Moi, j’ai trois enfants, deux garçons et une fille, je n’ai jamais eu de problème. Mes accouchements se sont plutôt bien passés.  La mutilation est inscrite dans un rite global et a vocation à préparer les filles à leur vie future. Elle est un gage de la moralité des filles. Nous, on veille à cette moralité qui est un gage de la solidité de notre société. Regardez les sociétés auxquelles vous vous identifiez. Elles n’ont plus d’identité. Plus de boussole. Qu’est-ce qu’une femme ? Qu’est-ce qu’un homme ? La réponse n’est plus si évidente aujourd’hui. Vous voulez peut-être nous amener dans une telle confusion ? Non merci.

Après nous avoir dépersonnalisé avec vos religions, maintenant, vous voulez nous entrainer vers un, je ne sais quoi ? Pardon, de grâce, excusez-nous. Vous voulez que nous abandonnions nos valeurs, ce qui fait notre différence. Si nous le faisons, que serions-nous ? Qui serions-nous ? Qu’allons-nous devenir ?

L’Afrique, je la connais, je connais ses valeurs. J’ai été témoin privilégiée de l’écriture d’une belle page de son histoire.  Vois-tu, mon père était un médecin dans les années 50, 60 et 70. J’ai vu circuler chez nous la plupart des révolutionnaires dont vous n’entendez parler que dans les livres. Diallo Telli, Amilcar Cabral, Roland Félix Moumie et j’en oublie. J’ai vu des contingents d’africains, organiser leur départ pour Cuba, y aller, puis revenir. J’ai moi-même failli y aller pour les études. Mais les circonstances indépendantes de la volonté de mon père m’en ont empêchées. Ne venez donc pas me parler de l’Afrique, ni de ses intérêts. Moi, je l’ai, l’Afrique, chevillée au corps.

Je suis fière d’être africaine et de revendiquer mon identité. Et si ce que vous appelez mutilations et que moi je nomme tradition, rite de passage, en fait partie, alors je m’assume encore plus fièrement.

Je l’ai écoutée très religieusement. Dans toute discussion, il faut éviter de se positionner en donneur de leçons.

Soit. Telle est ton expérience. Un vécu que je ne saurais moi, contester. C’est un fait.

Mais il y a également d’autres récits, d’autres expériences.

Je me rappelle encore, le récit de cette jeune fille, du même pays que mon amie.

Elle racontait son expérience au cours d’une conférence internationale à laquelle j’étais invitée.

Je l’ai racontée à mon amie. L’histoire était à peu près celle-ci :

Un matin, alors que j’étais âgée de 8 ans, ma tante vint me prendre un matin. Sans que je ne sache trop où elle m’emmenait, je la suivis. Après avoir arpenté les ruelles d’un quartier à l’extrême périphérie de la capitale, nous arrivâmes dans une concession qui avait plusieurs cases. Des enfants déambulaient dans la cour. Ma tante se dirigea vers une case qui était au centre de la concession. Elle y fut accueillie par une dame d’un certain âge. Après les salutations d’usage, la dame la félicita pour son sens du devoir. La dame me prit et m’emmena vers une autre case où je notais la présence de plusieurs autres jeunes filles. Parfois j’entendais un cri strident fendre l’atmosphère. Je m’interrogeais sur ce qui se passait.

Après quelques minutes, on m’appela, c’était mon tour. Très fièrement, je ne savais pas très bien ce qu’il fallait en penser. Elle se dirigea vers la salle et y vit quatre dames. L’une d’elle me demanda mon nom, me félicita pour ma bravoure. Avant que je l’ai réalisé, les deux autres s’emparèrent de ma personne, me plaquèrent au sol, m’écartant fermement les jambes.  Je me souviens d’avoir aussitôt ressenti dans ma chair comme le passage d’une lame, m’écorchant vivement. La douleur était si vive que tout mon corps tremblotait. Après cela, je saignais abondamment. Les pansements que ma tante et ses acolytes entreprirent, n’y firent rien. Je saignais toujours, plusieurs jours après. Loin de s’améliorer, mon état de santé déclinait. Paniquée, ma tante se résolut à faire appeler mon père.

Le pauvre lui n’était informé de rien. Il m’avait juste envoyée passer quelques jours chez ma tante. Et voilà ce qui m’arrivait. Il était stupéfait.  Il n’en croyait pas ses yeux, il n’en revenait pas.

Que faire ? Parer au plus pressé. Que je recouvre sa santé. Fallait-il me conduire dans un hôpital ? Oui bien sûr, à première vue. Ce serait la réaction normale. Mais quoi ? Lorsque les questions seront posées, que répondra-t-il ? Il n’en savait trop rien. Il fouilla nerveusement dans son téléphone. Il avait peut-être conservé le numéro d’un de ses anciens camarades de classe devenu médecin. Fiévreusement, il fouillait, fouillait et fouillait encore. Dire qu’il l’avait, il devait l’avoir. Fouiller dans la précipitation vous perdait un peu. C’est ce qui lui arrivait. Ah oui ! il l’avait. Il retrouvait les coordonnées. Il contacta le médecin qui vint me prodiguer des soins à domicile. C’était mieux ainsi, pour tout le monde. Mon ne pouvait se risquer à ébruiter cette affaire au-delà du cercle familial. Non il ne pouvait se risquer à avoir sur la conscience les poursuites contre sa sœur. Il laissait le sort de cette dernière à Dieu et à sa conscience. Mais il fulminait de colère.

Cette histoire tourbillonnait dans mon esprit ainsi que celles de nombreuses filles que j’avais écoutées au cours de mes diverses pérégrinations sur le continent.  Du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest, partout. Les mêmes récits de douleurs parfois tues, parfois étouffées, parfois dites, parfois insuffisamment comprises, parfois embrumées par la religion et la culture. Etait-ce une affaire de religion ou de culture ? Parfois, l’un parfois l’autre, parfois l’un sans l’autre, parfois, l’un et l’autre.

J’avais encore en pleine conscience le récit de cette autre qui avait découvert sa situation de femme mutilée par l’entremise de son partenaire. A la fin d’un rapport sexuel, ce dernier lui avait fait comprendre qu’elle n’était pas comme les autres femmes. Que lui manquait-il ? S’était-elle interrogée ? Les deux avaient alors entrepris de sonder l’anatomie de la femme. La sienne, comparée à l’anatomie type de la femme montrait effectivement que quelque chose manquait. Elle n’en n’était pas consciente jusqu’à l’instant de la révélation. Elle se retourna vers sa mère et l’interrogea. Là, elle découvrit la vérité, toute la vérité. Mais qu’elle l’ait découverte de cette manière la frustrait énormément. Elle était hantée par cette partie d’elle-même dont elle était privée.

Une autre histoire est celle de Antalia. Elle a souffert le martyre au moment de son accouchement. Au-delà de la douleur de l’accouchement par lequel la plupart de femmes était censées passer, elle a dû faire face à une autre difficulté. Le type de pratique qu’elle avait subi ne laissait qu’un très petit orifice. Là le bébé ne pouvait sortir, naturellement. Après des heures de travail, les médecins durent l’entailler pour favoriser l’expulsion. Quelle douleur !

Et combien d’autres femmes avons-nous perdu dans ces conditions ? S’il est vrai que cette pratique n’était pas la seule cause du mauvais score de l’Afrique en général en termes de mortalité maternelle, toute cause identifiée ne méritait-elle pas d’être adressée. Toute femme qui décède en couches quelle que soit la raison est une femme morte en trop !!!!

Ça aussi, ce sont des récits de femmes, dus-je dire à mon amie. Ces expériences-là ne méritent-t-elles pas aussi d’être entendues ?

Ne devrait-on pas davantage écouter les personnes exposées ou ayant subi de telles pratiques ? Elles sont à elles seules l’expression vivante des traces que ces pratiques peuvent laisser sur les individus. Elles sont un livre ouvert qui nous enseigne. Les leçons que l’on peut en tirer sont celles de l’expérience vécue. Nous devons et nous pouvons amplifier leur voix et en faire le socle des actions en la matière.

Comme le dit fort à propos le thème de la 17ème Journée internationale « Tolérance zéro aux mutilations génitales féminines », célébrée le 06 février dernier : Sa voix compte pour son avenir : Investir dans les mouvements dirigés par les survivantes pour mettre fin aux mutilations génitales féminines ».


Quelle est votre position ?

Soutenez-vous la pratique de l’excision ? Pourquoi ? Comment doit-on aborder la question ?

Êtes-vous contre les mutilations génitales féminines ? Pourquoi ? Comment doit-on aborder la question ?

Débattons. De la discussion jaillira la lumière. Votre position m’intéresse.

La mienne ?  Mon livre L’art d’être parent, la porte.

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