Découvrez le témoignage poignant d’une mère jonglant entre pédiatrie et gériatrie, accueillant sa grand-mère âgée chez elle par amour et devoir. De la gestion des maladies infantiles aux défis de la vieillesse, ce récit explore les sacrifices et les solutions nécessaires pour prendre soin de la famille.
J’ai eu la chance d’avoir la dernière de mes grands-mères jusqu’à l’âge de 42 ans.
C’est dire que ma mère avait plus que 42 ans, elle est bien sûr d’une génération avant moi.
J’ai été témoin de la diminution des forces de ma grand-mère,
Je l’ai accueillie chez moi dans ses moments de faiblesse, par amour et par devoir.
En l’accueillant, j’étais également mère, d’adolescents et de jeunes enfants.
Imaginer quels ressorts j’ai dû déployer pour jongler entre la pédiatrie et la gériatrie.
Oui mes amis, c’est de cela qu’il s’agit.
La pédiatrie, vous en savez peut-être quelque chose. Moi je vous donne ma définition, en fonction de mon vécu.
C’est pour moi, l’attention et les soins que vous devez apporter à vos enfants, la relation que vous devez entretenir avec eux.
En tant que parent, vous devez vous assurer que vos enfants sont en bonne santé. Qu’ils ne sont pas malades, c’est le minimum, non seulement la santé physique, mais également la santé mentale. De ce point de vue, créer les conditions d’un épanouissement de vos enfants est essentiel. C’est dans cet environnement exempt de violence mais empreint de bienveillance et de fermeté qu’ils doivent s’éveiller à la vie, explorer leur potentiel.
Imaginez le prix à payer. C’est un prix en valeur temps. On ne traverse pas comme cela, comme une lettre à la poste, sans conséquence, le temps de l’éducation de ses enfants. Parfois vous vous levez, la maladie est là, bien présente, sans rendez-vous, vous devez gérer. Bonjour les décalages de programmes. Quel que soit l’emploi du temps projeté, une maladie questionne et bouscule. Elle s’impose à vous. La vie peut être très immédiatement en danger. Dès lors, pas de demi-mesure, pas de tergiversations, la réponse doit être trouvée, instantanément.
Je me revois ainsi, avec des gros programmes pour ma journée, me retrouver à l’hôpital avec un enfant dont la température monte à 40° C sans vous prévenir. Vous pouvez pester, maugréer, mais avez-vous le choix ? Un réaménagement des programmes est impératif.
Comment vous organisez vous dans ces cas ?
Vous vous organisez dans le sens de trouver une solution à cette préoccupation. L’attention ne peut être différée.
A part la préservation de vos enfants contre la maladie, les nourrir est également un impératif. Par temps d’inflation des prix tous azimuts, je vous imagine, calculette en main entrain de tracer des équations qui ne vous laissent pas beaucoup d’opportunités quant à la solution.
Les mères, de vrai acrobates, elles parviennent toujours, même dans les moments les plus difficiles à trouver une solution, peut-être pas la plus adéquate, mais une solution quand même. Je vous voie penser à revoir les quantités, je vous voie imaginer les recettes les plus extraordinaires, je vous voie remuer vos méninges pour répondre à la question : qu’est-ce qu’on mange aujourd’hui ? Question rhétorique ? Pas du tout.
Chacune de nous, en tant que mère l’a entendue à plusieurs reprises. C’est une question qui vous est posée à vous ou que vous vous posez. Vous auriez souhaité à ces moments-là revenir chez vos parents pour qu’eux aient la responsabilité de la réponse. Mais la question est là, bien posée, et à vous et à personne d’autre. Il est ainsi des moments qui interpellent et où il est impossible de se dérober.
Comme l’intelligence a la particularité de se mouvoir en situation difficile et de rareté, vous parvenez la plupart du temps à apporter une réponse à la question. Une réponse quand même.
Un toit pour vous et vos enfants, c’est également une équation qu’il vous incombe à vous de résoudre. Là plusieurs solutions s’offrent à nous. La hauteur des moyens conditionne les choix. Que vous soyiez dans un taudis ou un palais, l’essentiel est de mettre nos enfants sous un toit. Ici aussi, que de sacrifices ? Le sommeil des parents est suffisamment perturbé. Je nous voie dans des solutions de débrouille. Un toit, même inachevé reste un toit, surtout lorsque l’on en est le propriétaire. On y va et petit à petit, l’oiseau faisant son nid, on améliore.
Les loisirs ? Peut-on y penser lorsque nos bourses sont contraintes par tant d’aspérités ? on fait comme on peut, parfois on l’envisage sereinement et de façon systématique, parfois on fait avec les moyens de bord. L’ingéniosité ici est également à l’épreuve. Parfois, c’est dans l’adversité que l’on est davantage créatif. Pouvons-nous penser à notre jeunesse ?
Comme nous étions inventifs, comme nous créions des jeux à partir de rien. Ce qui nous était donné à portée de main était le matériau principal. L’indigence n’est pas corrélée au manque de créativité. Nous en avons conscience et nous avançons tant bien que mal.
La santé, la nourriture, un toit, des loisirs ? Oui, mais la seule satisfaction de ces besoins ne peut réaliser l’alchimie entre les parents et les enfants.
Il y a aussi et surtout la qualité de la relation entre parent enfant. Il y a cette chose qui fait que quelle que soit votre position sociale, lorsque vous rentrez chez vous, votre enfant voie en vous une mère sur qui il peut se jeter en toute confiance, une mère dont il peut investir l’espace sans permission et résister même lorsqu’il est question de libérer, une mère dont il réclame l’attention, espère les compliments, scrute et appréhende les colères, une mère à qui il peut en toute confiance se confier, une mère vers qui il peut se retourner lorsque tout va mal.
Une mère abandonne-t-elle jamais son enfant, le fruit de ses entrailles ? Même au cas où les relations se distendent, très secrètement dans son cœur, monte des prières pour ses fils et filles, le cœur d’une mère est patient. Il attend le retour de l’enfant prodigue.
Voilà quelques recettes de pédiatre.
Maintenant la gériatrie, parlons-en.
Pour moi, qu’est-ce que c’est ?
Lorsque les forces de nos parents déclinent, nous avons le devoir de nous en occuper.
Qui pour s’occuper de nos personnes âgées ? La réponse n’est pas évidente. Plusieurs considérations rentrent en ligne de compte. La situation des enfants, le sexe de la personne, la qualité des relations que nous avons entretenues avec elle, etc…
Pour ma part, ma grand-mère avait choisi d’habiter chez moi. Elle avait laissé ma mère et des sœurs pour jeter son dévolu sur ma personne. C’est un choix qui vous honore, mais un choix qu’il faut assumer. Une fois le choix fait, il fallait s’en occuper. Plus facile à dire qu’à faire.
A un âge avancé, nos parents ont des besoins spécifiques en terme de santé, de nutrition, d’environnement protecteur.
La santé déclinante appelle des réponses et des soins spécifiques. Parfois, nos personnes âgées ont développé des maladies chroniques. Il faut être attentif à tout signe. La moindre température peut signaler quelque chose de grave, de très grave. J’ai été ainsi appelée plusieurs fois en urgence pour la situation de ma grand-mère. Avec courage, les membres de ma famille et moi avons fait ce qu’il fallait pour qu’elle recouvre la santé. Là aussi c’est un investissement, non seulement en temps, mais aussi en argent.
Un investissement en temps. Il faut dégager du temps pour s’occuper de la personne dans ses moments de faiblesse. Je vois ici mes tantes venir à la rescousse pour soutenir ma grand’mère dans ses moments d’hospitalisation. Lorsque personne n’est disponible, bonjour le système D.
Un investissement en argent. Bien sûr ! La santé a un prix, à cet âge-là nécessairement. Comment trouver les moyens pour faire face en l’absence d’un système fonctionnel de sécurité sociale pour le plus grand nombre ?
La situation est moins difficile pour les personnes enrôlées dans un système, même alternatif de sécurité sociale.
Pour les autres, on réagit, au grand bonheur de la chance. Je remarque que parfois dans des situations difficiles, la solidarité s’exprime. Mais doit-on compter sur la solidarité lorsque celle-ci est volontaire et ne permet pas toujours de faire face ?
Un médecin m’a expliqué comment l’exercice de la médecine dans un contexte de pays en développement n’est pas simple. Comment, ils doivent être non seulement médecins, mais aussi sociologues et parfois travailleurs sociaux.
La difficulté principale ici réside dans le diagnostic des maladies et dans l’absence des moyens concrets pour y apporter une solution. A leur corps défendant, ils dressent parfois des ordonnances qui sont laissées au chevet de malades dont ils savent que personne ne s’en occupera. Dur, dur, n’est-ce pas ?
Cette situation conduit à des morts certaines, mais pourtant évitables. Elle conduit à des morts, non pas faute de capacités techniques des personnels, mais à des morts faute de ressources financières. Pathétique !!!!
La santé des personnes âgées est aussi liée à leur hygiène. Ici, parfois, la capacité de rétention des excrétats diminue. Il faut être alerte pour les maintenir dans un état de propreté irréprochable. Le dire c’est bien, le vivre et le pratiquer, est un défi constant. Ma grand-mère a essayé, jusqu’au bout de garder sa dignité. Ce n’est vraiment au tout dernier moment lorsque ses forces la lâchaient qu’elle a pu se salir, sinon avant, rien. Elle faisait l’effort de rester propre.
La nutrition de nos parents âgés doit aussi être adaptée. Elle doit pouvoir leur apporter les nutriments dont ils ont besoin. Elle doit également leur être accessible. Ici la possibilité même d’ingérer la nourriture est le premier obstacle à franchir. Comment faire manger nos ainés dont parfois la dentition n’est plus intacte ? Il faut en tenir compte et leur présenter les aliments sous une forme adaptée.
L’hydratation constante est aussi un besoin spécifique. Ma grand-mère demandait la plupart du temps de l’eau. Même lorsqu’elle n’exprimait pas le besoin, il ne fallait pas perdre cela de vue.
L’environnement protecteur, c’est ici que doit s’exprimer l’ingéniosité des personnes entourant une personne âgée. Cette dernière est parfois capricieuse. Il faut dans ces moments, puiser au fond et faire jouer les ressorts d’amour qui nous lient à la personne.
Dans mon cas, le fait d’avoir trois générations au sein de ma famille était bénéfique. Ma grand’mère adorait être entourée de ses arrières petits-enfants avec qui elle jouait la plupart du temps et à qui elle transmettait, autant qu’elle pouvait, et autant que ceux-ci pouvait la comprendre, barrière de la langue oblige, ce qu’elle avait vécu.
Aujourd’hui encore mes enfants peuvent mimer des chansons apprises de ma grand-mère et s’exclamer en utilisant ses jurons à elle. Ils ont aussi un souvenir d’elle et de la qualité des relations qu’ils ont entretenues avec elle, parfois pas en pleine conscience, certains d’entre eux étaient encore dans leur prime enfance.
Lorsque ma grand-mère est décédée et qu’il a fallu l’inhumer aussitôt selon son souhait, certains de mes enfants mon accompagnée. J’ai vu leur douleur s’exprimer tout au long des obsèques. J’ai vu leur implication aussi. Ils rendaient hommage à une personne avec laquelle ils avaient partagé un bout de chemin.
Ils rendaient compte de la réalité de leur vécu. Garder nos personnes âgées avec nous est bénéfique pour le dialogue intergénérationnel.
Par devoir, par amour, j’ai été une mère, pour mes enfants d’abord, je le suis devenue pour ma grand-mère ensuite.
Ainsi j’ai été mère, entre pédiatrie et gériatrie. Ma part d’expérience vous est racontée dans mon livre, L’art d’être parent que vous retrouverez à l’adresse www.kembohermine.com
Alors question ?
Doit-on garder nos seniors en famille ou en institution ?
Vos expériences m’intéressent. Partagez-les en commentaires.